Article paru dans Le Monde.fr | 03/10/2014

 

Le 24 septembre, la première étape du tour de France de la finance participative organisé par « Financement Participatif France » et Bpifrance, se tient à Nantes, en Pays de la Loire. Notre région a été la première, en 2009, à lancer un emprunt populaire auprès des particuliers. Plus de 80 millions d’euros furent rassemblés pour financer un plan anti-crise. Ces fonds ont servi à construire, notamment, des lycées. La communication de la région avait alors marqué les esprits : « nos actions ne sont pas côtées en bourse, elles profitent à tous ». Nous avons renouvelé l’opération en 2012, et l’épargne des habitants des Pays de la Loire (plus de 100 millions d’euros cette fois-ci !) a servi à financer de l’innovation, des investissements et des créations d’emploi dans les PMI et PME du territoire.

Mais les grandes collectivités publiques ne sont pas les seules à appréhender différemment leur financement. Après la crise de 2008 et les dérives de la financiarisation, un vent nouveau souffle. En plein développement, tiré par des citoyens qui veulent donner un sens à l’usage fait de leur épargne, le financement participatif, ou « crowdfunding », ouvre de nouvelles opportunités.

Le « crowdfunding » est par nature populaire puisqu’il rassemble littéralement une « foule » autour de projets. Le développement des plateformes numériques crée de véritables communautés, en charge de sélectionner, de soutenir, puis de permettre la réalisation d’idées qui, sans elles, ne pourraient exister. Des épargnants citoyens se réapproprient la finance ; et décident de ses priorités.

La finance participative n’est pas réservée aux projets très innovants, ni à la sphère des geeks. Des projets bien installés savent susciter l’adhésion et mobiliser, en complément de leurs ressources habituelles, des apports individuels nouveaux. C’est par exemple le cas du Festival Interceltique de Lorient. Des entreprises aussi, telle la société Canibal à Gennevilliers, qui crée des machines de recyclage des emballages de boisson et qui levé 1,7 millions d’euros pour assurer la stabilité financière de son modèle et renforcer son parc de machines.

Plus de souplesse, plus de transparence, de la rapidité dans les décisions prises par les internautes et donc dans la levée de fonds, voilà la recette de ces nouveaux outils et voilà ce qui explique leur succès.

Pour les acteurs publics, l’enjeu majeur du financement participatif est de rendre locale l’utilisation de l’épargne. Aux côtés des grandes plateformes qui font parler d’elles (MyMajor Company, KissKissBankBank, ou Ulule), le développement de plateformes locales permettra de créer un « circuit court de la finance ». Les collectivités territoriales, et notamment les régions chefs de file du développement économique, peuvent favoriser et accompagner l’émergence de plateformes pionnières. L’objectif est de trouver des solutions financières pour des projets locaux qui n’ont pas accès aux circuits traditionnels de financement, mais qui constituent néanmoins des projets clés pour l’avenir des territoires. C’est par exemple le cas du financement de l’accès au foncier et de l’installation des jeunes agriculteurs qui se heurtent pour le moment à un manque d’ingénierie financière. C’est aussi le cas de l’agroalimentaire. My New Start Up, plateforme dont le siège social se situe à Nantes, soutient le projet « En direct des éleveurs », dont le besoin financier est estimé entre 800.000 et 1 million d’euros pour pouvoir démarrer les travaux d’une laiterie de nouvelle génération, avec pour objectif la transformation et la vente directe par les éleveurs.

Construit pour répondre à des objectifs de développement local, le financement participatif peut devenir un pilier du retour à une économie de la coopération. Une économie loin des dérives spéculatives, qui replace l’humain au centre des échanges, qui redonne de la proximité, qui recrée de la force collective et du lien social. Car confiance et solidarité sont essentielles à la créativité, à l’innovation ! Contrairement à ce qu’affirme le credo libéral, il n’y a pas que la concurrence qui pousse à innover ! Un environnement solidaire, se savoir soutenu, mis en confiance, c’est essentiel pour prendre des risques.

Nous allons créer en Pays de la Loire un label du « crowdfunding » local. Notre vocation, pas plus que celle du secteur bancaire traditionnel, n’est pas de nous substituer aux initiatives des plateformes privées. En revanche, les pouvoirs publics doivent veiller au respect d’une réelle éthique et aux garanties apportées aux épargnants qui s’engagent. Pour que cette nouvelle finance attire vraiment les foules … et qu’elle permette à tous ces porteurs de projet, de la culture à l’innovation industrielle, lassés des portes closes, de libérer leur créativité et de tenter leur chance.

Christophe Clergeau est premier vice-président de la Région Pays de Loire