Article paru dans Les Echos | 14/01/2015 | Par Aude Le Tannou / Avocat, cabinet SBKG

Avec le Crowdfunding, l’entrepreneur a trouvé une véritable source de financement alternative ou complémentaire aux banques et acteurs traditionnels du private equity, mais il doit rester vigilant.

Les entrepreneurs peuvent faire financer en fonds propres leur projet entrepreneurial par les internautes qui recevront en contrepartie des titres de la société portant ce projet ou de la holding créée par la plateforme de Crowdfunding à l’effet d’investir dans ladite société.

Le statut de ce type de financement – autrement dénommé Crowdequity ou equity-Crowdfunding par opposition au financement par don ou financement par prêt – a été renforcé cette année par la mise en place d’un cadre juridique résultant notamment de l’ordonnance du 30 mai 2014 et du décret du 16 septembre 2014, entré en vigueur le 1er octobre 2014. Les deuxièmes Assises du financement participatif qui se sont tenues le 11 décembre 2014 à Bercy ont été l’occasion de constater les premières applications de cette réglementation et de soumettre des propositions complémentaires.

Les avantages du Crowdequity sont nombreux pour l’entrepreneur :

– Faire valider par les internautes son idée entrepreneuriale, créer une communauté de clients-investisseurs autour de son projet et augmenter la visibilité de la société,

– Palier à la frilosité des banques et des acteurs traditionnels du private equity ayant des réticences à financer les besoins en fonds de roulement des sociétés en phase d’amorçage, par nature de petite taille,

– Lever rapidement des fonds auprès d’un public de plus en plus important puisque selon l’Observatoire du Crowdfunding (étude organisée au mois d’octobre 2014) 23 % des Français envisagent de participer à une campagne de Crowdfunding dans les 12 prochains mois,

– Être exempté de la publication d’un prospectus auprès de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) jusqu’à 1 000 000 d’euros de fonds levés par année.

Toutefois, si les plateformes de Crowdfunding et la nouvelle réglementation ont pour objectif de mettre en place des modalités de financement de plus en plus simplifiées, rapides et sécurisées, l’entrepreneur doit rester vigilant et se poser plusieurs questions :

Mon activité se prête-t-elle au Crowdfunding ?

Non seulement la mise en place d’une campagne de Crowdfunding implique d’y consacrer du temps, de donner des informations stratégiques parfois convoitées par la concurrence, mais elle peut se révéler infructueuse si le projet est difficilement lisible pour le public, car trop technique par exemple, ou encore que le risque est trop élevé ou que le retour sur investissement est trop lointain. Or, l’échec d’une campagne de Crowdfunding risque de porter préjudice à l’image du projet non seulement au niveau des consommateurs, mais également des autres acteurs du financement.

Quelle plateforme de Crowdfunding choisir ?

L’entrepreneur est aidé dans sa sélection par le label créé par la nouvelle réglementation. Les plateformes peuvent en effet être immatriculées auprès de l’ORIAS en qualité de Conseiller en Investissement Participatif (CIP) après examen par l’AMF d’un dossier relatif à la compétence des dirigeants et au fonctionnement du site web. 5 plateformes bénéficient à ce jour du statut de CIP : Anaxago, Lumo, Sowefund, Wiseed et Raizers SAS.

Les plateformes peuvent également bénéficier du statut de Prestataire de Services en Investissement (PSI) agréé par l’ACPR. Les critères de choix peuvent également porter sur le montant de la rémunération de la plateforme et le niveau d’assistance de cette dernière dans la mise en place de campagne de Crowdfunding ainsi que la gestion des relations avec les associés après l’investissement.

Les statuts de ma société sont-ils conformes à la nouvelle réglementation encadrant le Crowdfunding ?

Nombreux sont les entrepreneurs qui ont recours à la souplesse du cadre juridique de la société par actions simplifiées (SAS) pour créer leur structure. Or, le législateur a choisi de restreindre cette souplesse lorsque la SAS a recours au Crowdfunding. Certaines règles du régime plus strict des sociétés anonymes s’appliquent automatiquement à la SAS dans ce cas : la règle de proportionnalité du droit de vote à la quotité du capital détenu, sous quelques réserves, ainsi que les règles de convocation et tenue des assemblées générales. Ces règles sont également applicables à la SAS dont les titres sont détenus par une holding qui a recours au Crowdfunding.

Saurais-je gérer l’augmentation du nombre d’associés induite par la levée de fonds auprès d’un large public ?

La multiplication du nombre d’associés a, tout d’abord, pour effet de diluer la participation des fondateurs, mais également de multiplier leurs obligations auprès des nouveaux associés. L’entrepreneur devra en effet respecter des obligations de transparence et d’informations régulières des nouveaux associés, ce qui peut s’avérer lourd à gérer. Afin de limiter les interlocuteurs, l’entrepreneur pourra privilégier les plateformes qui organisent l’investissement des internautes au sein d’une holding qui elle-même investit dans la société.

La documentation signée dans le cadre du Crowdfunding prend-elle en compte mes objectifs à moyen ou à long terme ?

L’entrepreneur doit apporter une attention toute particulière à la documentation signée avec la plateforme, comme le pacte d’associés, afin de ne pas compromettre sa stratégie à moyen long terme : est-il envisagé de faire entrer de nouveaux investisseurs, dans un second temps, après le Crowdfunding ? De revendre la société ?

Si l’entrepreneur décide d’avoir recours au Crowdfunding, il trouvera, grâce à ce nouvel outil qu’offre Internet, une formidable source d’optimisation et de développement.

Article co-rédigé avec Philippe Schmidt, avocat associé au sein du cabinet SBKG