Article paru dans Le Monde – Les Décodeurs | 03/07/2014 | Par Diane Jean
« Je souhaite donner les clés du budget aux citoyens », a soutenu Anne Hidalgo, la maire socialiste de Paris, mercredi. Ce même jour, elle a lancé son opération de budget participatif, sur la place de la République. Mesure innovante pour la capitale, vecteur de démocratie directe, les arguments pleuvent pour justifier le démarrage d’une telle initiative à la mode.
Qu’est-ce qu’un budget participatif ?
« C’est un processus au cours duquel les habitants d’une ville vont décider d’une partie ou de l’ensemble des ressources publiques », explique Yves Cabannes, ancien coordinateur du Programme de gestion urbaine des Nations unies. « Ils vont prioriser des actions qui seront ensuite exécutées par les pouvoirs publics. »
D’après la coopération au développement suisse (DDC), quatre principes circonscrivent la méthode : réorienter les ressources publiques en direction des plus pauvres, créer de nouvelles relations entre municipalités et citoyens,reconstruire le lien social, inventer une nouvelle culture démocratique.
Anne Hidalgo a évoqué la somme de 426 millions d’euros discutée sur six ans, soit 71 millions par an, somme reprise dans un rapport de Jean-François Martins, adjoint à la mairie chargé du sport et du tourisme. « Ce montant est le plus important au monde pour une initiative de ce type », explique la maire. Mais l’envergure du projet est un peu exagérée.
Porto Alegre et Chengdu, championnes de la catégorie
Dans une vidéo qui date du 5 avril 2012, M. Cabannes faisait déjà allusion à un montant annuel plus important : celui d’une ville… chinoise « avec un budget participatif de 200 millions de dollars » – près de 150 millions d’euros.
Il s’agit de Chengdu, « ville des hibiscus » et capitale de la province de Sichuan, dans le centre ouest de la Chine. L’association de recherche de solutions innovantes Resolis a compté un budget annuel de 270 millions d’euros pour 2014. La municipalité attribue un montant par an à chaque village de la province, en fonction de sa taille et de ses besoins. Six millions de citoyens ont pris part aux décisions locales depuis 2009, d’après Resolis. « La participation directe permet (…) d’améliorer les services publics ruraux et de combler le fossé entre les villes et les campagnes. »
Au niveau du temps, de l’espace et du montant global, le projet de la maire de Paris n’est donc pas le plus important au monde. Autre point de comparaison : la part de budget participatif par habitant, autrement dit la marge de manœuvre de chaque citoyen sur ce type de budget. Ce n’est ni Paris ni Chengdu qui remporte la palme, mais Porto Alegre, ville brésilienne pionnière en la matière (voirgraphique ci-dessous). Elle codécide avec ses citoyens 20 % de son budget annuel.
Le budget participatif est à la mode aux quatre coins du monde
Depuis les premiers exercices de budget participatif en 1989, à Porto Alegre, ville méridionale du Brésil, la pratique participative s’est propagée aux quatre coins du monde : expansion sur le continent latino-américain (Equateur, Pérou, Argentine), des premiers pas en Europe (Espagne, Portugal, Italie, Suède, Royaume-Uni,France), en Afrique (Cameroun) et en Asie (Chine). Aucune liste n’est exhaustive.
A la fin de 2013, la Maison-Blanche a relayé le deuxième plan du président Barack Obama pour rendre le gouvernement américain plus transparent. Parmi les mesures dévoilées se trouvent la promotion du budget participatif. Les pays du Moyen-Orient sont les seuls à rester timides sur la question.
Chaque municipalité a ses règles du jeu. Ainsi, un budget est plus ou moins participatif selon la marge de manœuvre accordée aux citoyens, le budget qui leur alloué. Cet instrument se fonde sur une participation volontaire des citoyens à la vie locale. Ces derniers décident, directement, avec les élus de la manière dont sera dépensé le budget de leur ville.
Yves Cabannes considère le budget participatif comme « un cycle à deux étapes ». « Lors de la première étape qui dure en général sept à huit mois, les citoyens émettent des propositions de projets sur des quartiers, des thèmes. Ensuite les pouvoirs publics évaluent le coût des desseins citoyens, desseins qui sont ensuite votés par le conseil municipal. » La seconde étape consiste au suivi de la gestion de l’enveloppe jusqu’à la mise en place du projet.
Tiago Peixoto, qui travaille sur l’engagement citoyen à la Banque mondiale, tente de retracer toutes les expériences de budget participatif qui fleurissent depuis les années 2000. Au total, 1 500 municipalités, gouvernements, ou institutions auraient testé ce processus (voir carte ci-dessous). Les budgets participatifs réalisés en ligne sont marqués en rouge, les autres sont en jaune. Les projets à l’essai sont en bleu.