Article paru dans La Tribune | 30/12/2014 | Par Christine Lejoux
Un homme, jeune, urbain, de catégorie socioprofessionnelle moyenne : tel est le portrait-robot des 7% de Français qui ont déjà participé à une campagne de financement participatif, d’après une étude.
En France comme à l’échelle mondiale, le crowdfunding connaît une croissance exponentielle. Le financement participatif devrait permettre aux porteurs de projets inscrits sur des plateformes françaises de collecter un total de 120 à 150 millions d’euros cette année, selon François Carbone, co-fondateur de la plateforme d’investissement en capital Anaxago. Un montant près de deux fois supérieur aux 78 millions d’euros engrangés en 2013, somme qui représentait déjà un triplement par rapport à 2012. De fait, d’après un sondage réalisé par la société Adwise auprès de 2.000 Français, et publié le 11 décembre, plus de la moitié (56%) des personnes interrogées connaissent le concept de crowdfunding. Et 7% des sondés ont déjà participé à une campagne de financement participatif. Qui sont ces particuliers qui donnent, prêtent ou investissent une partie de leurs économies afin de financer, de façon quasi directe, les projets portés par d’autres particuliers, des associations ou des PME ?
Plus de la moitié (57%) d’entre eux sont des hommes, jeunes – 44% étant âgés de moins de 35 ans – et urbains, 60% des personnes interrogées résidant dans des villes de plus de 200.000 habitants. Ensuite, le « crowdfunder » type appartient à une catégorie socioprofessionnelle moyenne, 60% des sondés disposant de moins de 10.000 euros d’épargne. Enfin, près des deux tiers (62%) des Français ayant déjà participé à une campagne de financement participatif l’ont fait via le don, loin devant le prêt et l’investissement en capital. Au chapitre de leurs motivations,
« les crowdfunders estiment participer au développement de projets innovants qui ne seraient jamais financés par les banques. Le crowdfunding leur permet également de mieux contrôler l’allocation de leur épargne, de savoir exactement ce qu’elle finance »,
a expliqué Florence Hussenot, présidente d’Adwise, lors des 2èmes Assises du financement participatif, le 11 décembre.
Des projets « coup de cœur » ou au service de grandes causes
Samuel Rasetti, décoré du titre de « donateur de la Culture » par la ministre Fleur Pellerin, le 9 décembre, correspond bien à ce portrait-robot. Ce Franco-Italien de 32 ans n’est autre que le premier « crowdfunder » de France, avec quelque 210 projets soutenus en quatre ans sur la plateforme de dons Ulule. Des projets qui vont de l’organisation d’un festival de musique à la création d’un « robot-maraîcher » en passant par la conception de jouets pour des enfants autistes, et pour lesquels Samuel Rasetti donne de 5 à 60, voire 100 euros. « Je soutiens des projets parce qu’ils correspondent à un coup de cœur ou bien parce qu’ils sont portés par des amis ou servent de grandes causes », explique le jeune homme, qui commencera en janvier à travailler comme conseiller clientèle chez l’hébergeur de sites Web OVH, après avoir exercé la même fonction chez LinkedIn. Et d’ajouter : « J’ai coupé dans certaines dépenses inutiles afin de mettre de l’argent dans des projets qui permettent des avancées, j’ai le sentiment d’aider un peu à changer le monde. »
Mais la généreuse philosophie du crowdfunding, qui s’inscrit dans le cadre de l’économie collaborative, n’est-elle pas menacée ? Le crowdfunding n’est-il pas déjà en train de devenir autre chose que « le financement par la foule »? Les 2èmes Assises du financement participatif ont donné lieu à une polémique entre partisans et opposants à l’élargissement des plateformes de prêts entre particuliers aux personnes morales, sur le modèle de Lending Club. A l’origine spécialisée dans le « peer to peer lending » (prêt entre particuliers), la plateforme fondée par le Français Renaud Laplanche a élargi la typologie des prêteurs, sa réussite ayant attiré des gestionnaires de fonds et des investisseurs institutionnels, pour qui les prêts entre particuliers représentent une nouvelle classe d’actifs, d’autant plus intéressante dans l’environnement actuel de taux très bas.
Demain, des « crowdfunders » personnes morales ?
Cette évolution du métier inquiète Vincent Ricordeau : « Le principal risque, pour le crowdfunding, réside dans la collusion avec la finance traditionnelle », a dénoncé le co-fondateur de la plateforme de dons KissKissBankBank, lors des 2èmes Assises du financement participatif. Il est vrai que, les plateformes se rémunérant grâce à des commissions prélevées sur les sommes collectées, certaines pourraient être tentées de faire venir des investisseurs institutionnels dans le but d’augmenter le montant des collectes et, partant, leurs commissions.
Il n’en demeure pas moins que cette hausse des collectes bénéficiera en premier lieu aux porteurs de projets, et n’est-ce pas cela qui importe avant tout ? De plus, la présence d’investisseurs institutionnels sur les plateformes de crowdfunding peut-être un gage du sérieux de ces dernières, de nature à rassurer les particuliers-prêteurs. De fait, lors des 2èmes Assises du financement participatif, Maxime Chipoy, responsable du service des études au sein de l’association de consommateurs UFC-Que Choisir, s’est dit « favorable à ce que les personnes morales puissent, elles aussi, prêter. »