Lundi 10 novembre, un webinaire sur ces deux dernières années de mise en application du statut de Prestataire de Services de Financement Participatif a été organisé. 

Porté par Eugenia Macchiavello, Assistant Professor (RTDB) of Financial Regulation à la Università degli Studi di Genova, ce webinar a rassemblé la Commission européenne, l’ESMA, des enseignants chercheurs et acteurs du financement participatif (dont votre association FPF) .

Florence de Maupeou est intervenue sur la situation en France. En parallèle, cette réunion nous a aussi permis d’en apprendre plus sur l’état actuel de l’application de ce règlement dans les autres États membres.

Etat des lieux européen

Au 20 novembre, 110 plateformes étaient agréées PSFP, dont 9 avaient demandé le passeport européen pour opérer dans les 27 États membres (soit 8% du total). 68 plateformes étaient agréées en France, aux Pays-Bas et en Espagne, ce qui représente 60% des agréments. Parmi les plateformes ayant obtenu l’agrément, 40% sont de nouvelles entreprises qui n’avaient pas d’activités de crowdfunding auparavant. 

Le choix de l’autorité d’agrément semble s’être appuyée sur plusieurs critères, notamment la rapidité et la souplesse de l’autorité de surveillance, le coût de l’agrément, ainsi que l’état de préparation de ladite autorité à l’octroi de l’agrément. En d’autres termes, ce dernier critère correspond à la date à laquelle l’autorité nationale de concurrence a annoncé qu’elle était en capacité d’accepter les demandes d’agrément. À ce titre, les juridictions les plus attractives pour opérer sont donc la France, les Pays-Bas, la Belgique, l’Espagne et l’Allemagne.

Un tiers de l’ensemble des plateformes opère à la fois en prêts et en actions. En complément, les plateformes peuvent également fournir d’autres services tels que l’utilisation de structures ad hoc pour la fourniture de services de crowdfunding ou la suggestion du prix et/ou du taux d’intérêt des offres de crowdfunding.

Plusieurs intervenants issus de divers pays européens sont également intervenus afin de relater les éventuelles difficultés auxquelles les plateformes ont été confrontées lors de leur demande d’agrément. Voici un petit tour d’Europe.

 

Benvenuto in Italia

En Italie, la réglementation relative au PSFP a démarré tardivement ce qui a contraint les régulateurs à aller très vite. En conséquence, ils ont eu relativement peu de temps pour gérer les demandes d’agrément des plateformes. Au 20 novembre, 11 plateformes étaient détentrices de l’agrément PSFP, sur un total d’environ 80 plateformes dans le pays. Le processus s’est avéré être assez long : les dossiers ont tous été transmis en juin et les plateformes ont obtenu l’agrément en novembre 2023 (soit 5 mois de délai). Les autorités ont même donné des indications aux plateformes en prévention : d’une part, de se concentrer sur ce qu’elles faisaient déjà sur le marché, et d’autre part, de ne pas s’exporter à l’étranger pour l’instant afin d’accélérer l’obtention de l’autorisation. 

 

Willkommen in Deutschland 

En Allemagne, 1 seule plateforme a obtenu l’agrément PSFP, et 3 ou 4 demandes sont en cours. Ce chiffre contraste avec le nombre de plateformes souhaitant opérer en Allemagne (s’élevant à 17 au 20 novembre 2023). Les autorités, en plus d’être réticentes et strictes, sont très lentes pour délivrer les autorisations. Elles ont souhaité attendre que les lignes directrices de l’ESMA soient finalisées. De plus, la législation n’est pas favorable entre le régime de responsabilité, qui rend le financement participatif peu attractif pour le porteur de projet, et le maintien des prêts sous réglementation nationale. Il n’existe pas de vue d’ensemble claire des règles en vigueur sur le terrain. Ce manque d’uniformité est un frein à la bonne compréhension des droits et devoirs des plateformes. 

 

Velkommen til Danmark og Norge

Au Danemark, comme en Allemagne, 1 plateforme est agréée PSFP, 2 sont en cours d’immatriculation, et l’autorité a rejeté 1 demande. Notre interlocuteur affirme qu’il a été difficile d’entamer un dialogue avec l’autorité de surveillance du fait d’un manque de connaissances internes et de la dimension nouvelle de la réglementation. Du côté des régulateurs, la législation danoise n’a pratiquement pas été modifiée. Le principal obstacle réside dans le fait que le financement par actions est presque interdit. En effet, les sociétés à responsabilité limitée ne peuvent pas ouvrir leur capital au public, ce qui constitue un frein intrinsèque au développement du financement participatif. Cela explique l’existence en majorité de plateformes de crowdfunding basées sur le prêt. Quelques investissements alternatifs se développent mais restent largement minoritaires.

Toujours dans la région scandinave, la Norvège, bien qu’elle ne soit pas membre de l’Union européenne, envisage malgré tout d’adopter la législation relative au PSFP. Elle la mettra en œuvre progressivement. 

Bem vindo a Portugal

Au Portugal, la mise en œuvre de la régulation PSFP a été retardée car le régime européen n’a été appliqué qu’en août 2023. En d’autres termes, en dépit de la possibilité de déposer un dossier depuis 2021 dans la majorité des États européens, les plate-formes portugaises ont dû attendre août 2023 avant de constituer une demande. Cela explique l’absence de licence à ce jour au Portugal. Cependant, il existe une disposition transitoire dans le régime national (le décret loi 66-2023) affirmant que les plateformes qui étaient déjà autorisées sous le régime portugais pouvaient déposer une procédure simplifiée, à la condition de déposer plusieurs documents avant le 10 novembre 2023 (comme la déclaration de conformité avec le régime européen par exemple). Ainsi, 4 plateformes sont autorisées sous régime national, avec des modèles basés exclusivement sur le prêt.

Welkom in Nederland

Aux Pays-Bas, 17 plateformes ont obtenu l’agrément, auxquelles s’ajoutent 16 plateformes étrangères ayant demandé le passeport européen pour y opérer. Ce nombre important s’explique par le fait que les autorités ont contacté les plateformes existantes bien en amont, ce qui leur a permis d’anticiper les évènements et échéances. L’AFM a demandé aux plateformes néerlandaises de déposer leur demande d’agrément avant le 10 mai 2022. La plupart des plateformes étaient déjà autorisées avant l’échéance du 10 novembre 2023. Les autorités ont donc été très proactives et pédagogues.

Bienvenue en France

En France, au 10 novembre, 37 plateformes avaient été agréées (et 43 au 28 novembre), dont 5 plateformes ayant demandé à passeporter en dehors du territoire. Il n’a cependant pas été facile d’obtenir cet agrément. L’adaptation a probablement été plus aisée en raison de l’expérience antérieure avec le statut national de conseiller en investissements participatifs (CIP) et du fait que le régulateur connaissait déjà le sujet. Cela lui a permis de bien accompagner et aider les plateformes. Toutefois, le délai a parfois été long pour obtenir l’agrément, la moyenne se situant à 9 mois. Du fait du grand nombre de plateformes de financement participatif en France, l’AMF avait prévenu à plusieurs reprises le secteur de soumettre leur demande avant la fin du mois de juin 2023. Mais au 11 novembre, cela n’a pas empêché une quinzaine de plateformes de suspendre leur activité de crowdfunding en attendant d’obtenir l’agrément. Entre 5 et 10 acteurs ont stoppé complètement leur activité de financement participatif ces derniers mois, du fait de l’entrée en application de la réglementation européenne.

 

[Voir le replay du webinar]