Jeudi 8 mars, la Commission européenne a publié sa proposition pour une réglementation européenne du crowdfunding. Cette annonce s’inscrit dans une volonté de faire de l’Union européenne, un « Centre mondial des Fintech » et d’établir un « Capital Market Union »[1]. Pour ce faire, Bruxelles prévoit de mettre en place un plan d’action plus large visant à encadrer les innovations technologiques, notamment le financement participatif avec retour sur investissement.[2]
Cette proposition est l’aboutissement d’une réflexion entreprise par l’administration Juncker, depuis plusieurs mois. En effet, grâce aux mesures proposées ce 8 mars 2018, la Commission souhaite adresser deux problématiques :
- La fragmentation du marché et la difficulté pour les plateformes à s’exporter d’un Etat membre à l’autre à cause de la disparité des réglementations nationales en matière de financement participatif. Ceci freine la capacité des investisseurs à diversifier leurs risques, notamment sur des marchés parfois en manque d’opportunités.
- Le manque de confiance, qui fragilise la croissance du marché, notamment concernant la cybersécurité, les fraudes ou les risques de défaut.
Elle fait suite à diverses consultations menées dans l’optique de créer un cadre européen du crowdfunding pour un marché transfrontalier, rentable et sécurisé. Fin 2017, la Commission européenne envisageait alors quatre options :
- Ne pas légiférer au niveau européen et maintenir un dialogue entre les différents acteurs à l’échelle européenne.
- Une auto-régulation avec des standards européens minimums.
- Traiter les plateformes au même titre que les places de marché ou les institutions de paiement régulées et créer un régime européen unique pour les plateformes.
- Créer un passeport européen permettant aux plateformes de s’exporter plus facilement dans un autre Etat membre de l’Union européenne, tout en maintenant les régulations nationales.
Financement Participatif France avait alors soutenu, en partenariat avec Paris EUROPLACE et l’AFIP, la proposition 3 pour un statut européen unique et harmonisé[3].
La proposition présentée hier par la Commission européenne a retenue l’option 4 : un Passeport européen pour le financement participatif, ne se substituant pas à la législation nationale, pour les plateformes locales. Ce cadre européen « n’interférera donc pas avec les régimes nationaux ou les licences existantes, y compris celles opérant sous les directives MiFID II, DSP2 ou AIFMD. »[4] Il s’agit plutôt de permettre aux plateformes qui le souhaitent de bénéficier d’un label européen, pour réduire les difficultés administratives et la complexité qu’elles rencontrent, lorsqu’elles souhaitent étendre leurs activités en Europe. Conformément à la volonté de la Commission européenne de protéger les investisseurs, les levées de fonds seront limitées à 1 million d’Euro.
A noter que les plateformes bénéficiant du label européen ne pourront se soustraire aux règles nationales pour toutes les dispositions extérieures au périmètre de la proposition. Elles devront également respecter pour les transpositions nationales des dispositions des directives européennes.
Le cadre européen – qui sera réexaminé au bout de 2 ans – met également en place un certain nombre de garde-fous pour assurer la transparence du secteur et la sécurité des données (règles de communication communes, procédures de connaissance du client harmonisée, test d’adéquation, absence de conflits d’intérêt, etc.)[5]. Les plateformes seront contrôlées et régulées par l’Autorité Européenne des Marchés Financiers[6] (ESMA).
En traitant spécifiquement le cadre législatif du crowdfunding, la Commission européenne réaffirme son intérêt pour le secteur et reconnaît le rôle que jouent les plateformes de financement participatif dans la croissance économique européenne. Proposer la création d’un régime européen du financement participatif, c’est envoyer un message fort en termes de légitimité pour notre jeune industrie. Néanmoins, si les dispositions proposées vont permettre de faciliter l’exportation des plateformes transfrontalières, le plafond de 1 million d’euro est bien en deçà des possibilités qu’offrent la législation française (2,5 millions d’euro). Nous saluons donc une initiative européenne allant vers un cadre européen du crowdfunding, bien que celui-ci, ne se substituant pas aux régimes nationaux, ne va pas vers une réelle harmonisation et ne permettra sans doute pas le changement d’échelle tant attendu par les plateformes françaises.
[1] L’union des marchés des capitaux est une initiative de l’UE qui a pour objectif d’approfondir l’intégration des marchés des capitaux des 28 États membres de l’UE, notamment en stimulant la croissance et l’emploi.
[2] Communiqué de presse de la Commission européenne : https://europa.eu/rapid/press-release_IP-18-1403_fr.htm
[3] La contribution FPF, Paris Europlace et AFIP à la consultation européenne : https://financeparticipative.org/wp-content/uploads/2017/11/Paris-EUROPLACE-response-to-the-European-Commission-public-consultation-on-crowdfunding-27-november-2017.pdf
[4] https://ec.europa.eu/finance/docs/policy/180308-proposal-regulation-crowdfunding_en.pdf, p.02.
[5] Cf. Chapitres IV et V de la proposition, p.27-31.
[6] Cf. Chapitre VI de la proposition, p.31-40.
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- La Tribune, Delphine Cuny, le 08/03/2018 : Bruxelles veut faire de l’Europe « un centre mondial des Fintech »
- Les Echos, Dereck Perrotte, le 08/03/2018 : Bruxelles veut se poser en championne des Fintech
- Crowdfund Insider, JD Alois, le 08/03/2018 : European Commission Reveals Plan to Boost Fintech Innovation, Includes Rules for Crowdfunding to Operate Across Single Market
- ITespresso, Clément Bohic, le 09/03/2018 : Crowdfunding : Bruxelles esquisse une réglementation harmonisée